Huitième étape – Mongolie : une Odyssée terrestre

Bêtes, hommes et dieux, A travers la Mongolie interdite  1920-1921

BHD

Ferdynand Ossendowski Traduction de l’Anglais par Robert Renard Phébus Libertto (2000 pour la présente édition)

  A l’heure où j’écris, je n’ai pas encore fini le livre qui fera le sujet de cet article. Pour tout dire, je n’en suis qu’à la moitié. Est-il si mauvais que cela ? Hola malheureux ! Loin de mi cette idée ! Je le trouve même très intéressant. Il s’agit du témoignage d’un homme forcé à fuir la Sibérie, suite à sa dénonciation auprès des Bolcheviks. L’homme est polonais. Il s’appelle Ferdynand Ossendowski. Il nous relate son aventure vécue. Je pensais visiter avec lui un peu de la Mongolie. En réalité, toute la première partie nous fait visiter la Sibérie et ses grandes forêts, ses eaux glacées. L’homme voyage. Il nous raconte une époque plus qu’un lieu. C’est ce qui m’a désarçonnée, ce à quoi je ne m’attendais pas. J’ai eu énormément de mal à entrer dans la narration. J’en suis rendue à la moitié du livre, qu’on ne peut qualifier de roman. Un témoignage, le mot est sans doute mieux choisi. Enfin, j’entre dans les mœurs Mongoles (depuis quelques chapitres, pour être tout à fait franche). Mais je les vois à travers les yeux d’un étranger. Je reste une étrangère. Je pensais être plus réceptive justement à cause de la similitude des regards. Mais le pays me reste hermétique. J’en suis trop tenue à l’écart à mon goût. Tout simplement parce que le témoignage passe par le filtre d’un regard déjà étranger, puis par le filtre du livre : l’histoire est rapportée, et puis il y a tout le temps qui a passé, depuis le moment de son écriture. Peut-être aussi parce qu’il s’agit d’une culture mystérieuse, très loin de nos points de référence. Enfin, il y a ce témoignage d’une époque étonnante. Au stade où j’en suis de ma lecture, je vois comment le communisme a pris possession de toute l’Asie. On pense aux pays d’Europe de l’Est, ainsi qu’à la Chine et l’Indochine, mais la Mongolie est souvent oubliée. Je vois à travers cette écriture que ce pays non plus, n’est pas passé entre les mailles du filet. Mais les considérations politiques prennent trop de place à mon goût, du moins jusque-là (en même temps, avec l’histoire du narrateur, on comprend que ça lui trotte quelque peu dans l’esprit), et les mœurs des Mongoles, leur mode de vie, la découverte de leur culture est un peu trop lointaine pour moi. Pourtant, loin de moi l’idée de dire que le livre manque d’intérêt. Au contraire ! Je n’attendais pas ce que j’y ai trouvé, mais ce qu’on y trouve est évidement fascinant. Des paysages d’une nature brute à la fois abondante et létale, décrits par un homme qui s’y confronte et qui doit y survivre. L’homme est partie prenante de quelque chose de bien plus grand, de bien plus majestueux, et n’en est finalement qu’un infime détail. J’évoquerais également l’impact d’un mouvement politique sur les populations. Là encore, l’homme remis en question face à l’Histoire qui le dépasse. Et puis la question des racines, de la grandeur déchue, de la fierté : la Mongolie semble avoir gardé son indépendance de pensée, aussi vigoureusement que possible. Y a réussi avec plus ou moins de succès, selon les heures de son histoire. Oui, on trouve tout cela dans ce texte, et si j’en crois la quatrième de couverture, bien plus. Il semble qu’Ossendowski se redéfinisse dans son voyage en tant qu’homme, face à la nature et aux événements historiques, mais aussi face à l’aspect spirituel du monde. Je commence tout juste à entrapercevoir cette dimension de l’ouvrage. Quand je l’aurai fini, sans doute viendrai-je compléter mon article. Parce qu’il est certain que je vais le finir. La forme me convient moins qu’un roman, ou que le témoignage d’une personne du cru, comme on dit par chez nous. Néanmoins, j’ai enfin compris par quel bout aborder le texte (parfois il me faut de nombreuses pages) et il est certain que le pitch aurait pu convenir à un scénario de fantasy, ce qui n’est pas pour me déplaire. J’ai par surcroit le désir profond de découvrir pleinement le fond, le message, mais aussi ce que je n’ai pas et n’aurai pas réussi à percevoir une fois tournée la dernière page. Parce que malgré le caractère principalement oral de cette civilisation, pas mal d’écrits ont vu et continuent à voir le jour. La vie culturelle y est riche et vivante. Je prendrai alors mon regard d’étrangère, et tenterai de comprendre un peu de leur univers par la bouche et les yeux des Mongols eux-mêmes. Quant à Ossendowski, je vais prendre le temps de le lire et de l’écouter, car son témoignage reste un véritable questionnement sur le statut de l’humain, en tant qu’individu, mais aussi en tant que peuple. Un document ethnographique passionnant.