Michelangelo Pistoletto s’expose au Louvre
Année 1, Le Paradis sur Terre
Ce soir, j’ai choisi d’évoquer une exposition que j’ai eu l’occasion de voir lors de ma visite à Paris du week-end du 10 mai. Michelangelo Pistoletto, artiste encore vivant (donc rien à voir avec le Michelangelo de la Chapelle Sixtine), expose en plein cœur du Louvre. Il investit le prestigieux musée, au sein duquel on peut rencontrer différentes œuvres qu’il a crées ces cinquante dernières années. J’ai eu pour ma part un immense plaisir à retourner dans ce musée qui a accueilli deux ans de mes études (à l’époque où je faisais de l’histoire de l’art), et à le reparcourir avec une optique différente…
Une Chasse au trésor !
C’est ainsi que je me suis pleinement immergée dans la quête des œuvres de Pistoletto. Le Louvre est un très grand musée, et qui le connait sait qu’il faut bien une année complète à le parcourir pour apprendre à s’y retrouver ! Personnellement, je n’y avais pas mis les pieds depuis plus de 5 ans… repères tous bouleversés mais carte en main, ma mère et moi-même nous sommes lancées dans un jeu de piste qui transforme le musée, espace figé souvent considéré comme terne et ennuyeux (à tort !), en aire de jeu qui nous reconnecte avec une part d’enfance ! Bien sûr, il ne s’agit pas de crier, de se rouler, ou de tripoter les œuvres (surtout pas de tripoter les œuvres !!!), mais bien de se transformer en Indiana Camille (Camille est mon prénom civil, donc) ou jouer au jeu des 17 différences (17 œuvres présentées). Pistoletto investit l’espace musée en incluant, dès ce stade, une interactivité avec le spectateur qui se retrouve dans son travail.
Le Spectateur, partie intégrante de l’œuvre
Pistoletto travaille en effet beaucoup avec l’effet de miroir : les silhouettes sont collées sur des plaques d’acier réflectives, incluant le spectateur comme un personnage lui-même, et modifiant l’arrière-plan en fonction de l’environnement. On découvre parfois des détails, un tableau de maître derrière soi que l’on aurait raté… on cherche le tableau de Pistoletto, et on rencontre tout le reste… De même, l’intégration du spectateur dans l’œuvre permet de faire d’une réflexion générale sur l’humain une réflexion plus personnelle, propre à chacun, propre à sa réaction de se trouver au cœur d’un groupe de révolutionnaires, ou enfermé dans une cage fictive… En l’intégrant dans l’œuvre, Pistoletto touche véritablement chaque visiteur individuellement, au plus profond de lui. Un visiteur qui se trouve confronté à son propre reflet, à ses propres schémas, confronté à lui-même, en somme.
Prises de consciences et prises de partis
Cette confrontation à soi-même et cette réflexion sur l’Humain, le monde dans lequel il vit, n’est toutefois pas jetée telle quelle, sans propositions. Pistoletto dénonce un consumérisme forcené qui rend stupide, mais propose la solution d’une consommation responsable, d’une fondation-laboratoire communautaire, autonome en termes de production, aux déchets durablement gérés, à l’architecture éco-pensée et qui serait un lieu d’enseignement et de partage. Autant de préceptes partagés et pensés, mais aussi mis en œuvre, avec en arrière-plan une idée de respect de l’autre dans la richesse de sa différence.
Mais Pistoletto est aussi du genre à donner son point de vue quant à l’importance du féminin, pour ancrer ces pratiques. Son symbole à trois cercles est très évocateur du Féminin, pour moi, en tant que réceptacle, ou forme de Graal (sans compter le chiffre trois, éminemment lié au féminin Sacré avant même de représenter la Sainte Trinité). Il évoque les paradis naturels et artificiels, réunis en ce troisième paradis, fusion des deux autres, qu’il souhaite que nous atteignons, en tant qu’espèce et partie prenante du monde que l’on foule. Posé sur le phallique obélisque, couvert de miroirs et ainsi disparu du monde (très Feng Shui cette affaire), ce symbole représente le Féminin, qui reprend le dessus, avec amour et tendresse, pour mener l’Homme (en tant qu’espèce) vers un autre stade de son intégration au monde.
Pistoletto, artiste de la Nature
Son point de vue est très clair, exprimé. Son œuvre n’est pas sensée lui survivre des millénaires. Comme tout, elle est soumise aux Cycles, et vouée à la destruction. C’est ainsi qu’il la souhaite. Lui-même se dématérialise : son autoportrait est la seule œuvre présentée qui soit conçue sur un film plastique transparent. Sa silhouette pleine d’une représentation du cosmos. A la fois insignifiant et représentation microcosmique de l’univers, comme chacun d’entre nous.
Les œuvres de Pistoletto, par leurs messages et leur réinvention de l’espace musée, m’ont énormément touchée. Ceux qui me connaissent savent que ce sont des thématiques dont je suis très proches, et qu’elles ne pouvaient que frapper en plein cœur. Découvrir cela dans un musée qui fait partie de mon histoire personnelle, pour lequel j’ai une affection toute particulière, a été un grand moment de joie que je voulais partager sur ce blog.
L’exposition perdure jusqu’au 02 septembre 2013, avec pour seul coût celui de l’entrée au musée. Renseignez-vous, nous sommes nombreux à pouvoir y entrer gratuitement. Je trouve que ça mérite un détour, qui permet de découvrir ou redécouvrir le mythique musée par-dessus le marché.